Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches. Et puis voici Torquemada.



La fin des vendanges, la relative proximité de l'équinoxe d'automne, l'humidité ambiante : tout ceci (et quoi d'autre encore ?) semble se conjuguer pour provoquer une soudaine poussée biodynamique.
Car nombre de photos surgissent sur les réseaux sociaux, alors que tel ou tel montre ses préparations biodynamiques en cours d'élaboration.

Bouffon. Histoire Naturelle. 1769
Tout ce qu'il faut pour que Torquemada repousse son entrée en hibernation.

Oui : je le disais dans un précédent billet : j'ai deux poules. Roule, ma poule. Ainsi que ma poule Ovaire.

Mais j'ai aussi, j'ai surtout, une marmotte : Torquemada.




Donc, sur Facebook, il se passe plein de choses ébouriffantes.


L'une en met une couche sur la P505.
La 505 reste ma préférée : il s'agit de remplir un crâne de ruminant ou d'animal domestique (j'avoue une préférence marquée pour le crâne de chaton) d'écorce de chêne récoltée en jour racine (cet aspect calendaire est tellement évident que je m'en veux de le préciser). Le tout ayant été enterré dans un fossé boueux sera récupéré au printemps suivant et fournira alors un remarquable remède à diverses maladies des plantes.

Rudolf Steiner (le père fondateur de la biodynamie) décrit et explique cette préparation et ses fondements lors de sa 5ème conférence à Koberwitz (c'était le 13 juin 1924) : "La juste substantialisation de la fumure".
Il se fonde sur la relative richesse en calcium de l'écorce de chêne (les cendres d'écorce de chêne sont en effet riches en calcium, sans doute moins que les coquilles d'huitre mais riches tout de même).
Or, selon Steiner, le calcium est intéressant, en particulier quand il provient d'une écorce de chêne :

« le calcium, s’il doit agir comme remède, doit rester à l’intérieur du vivant …/… Or nous avons une plante qui contient en abondance du calcium – soixante-dix-sept pour cent dans la substance des cendres – en une fine liaison : c’est le chêne. Et c’est en particulier l’écorce de chêne qui représente déjà une sorte de produit intermédiaire entre le végétal et le terrestre vivant, tout à fait la parenté de ce que je vous ai expliqué au sujet de la parenté entre le terrestre vivifié et l’écorce."
Toutefois ce calcium d'écorce de chêne n'est rien sans la préparation ad-hoc :
"Ensuite nous prenons un crâne, une boite crânienne - il est presque indifférent qu'il provienne de tel ou tel de nos animaux domestiques -, nous y mettons cette écorce de chêne hachée et nous refermons ce crâne, si possible avec une masse osseuse, puis nous enfouissons le tout en terre et, après l'avoir enterré pas trop profondément, nous le recouvrons de tourbe et nous essayons, en y faisant aboutir une gouttière quelconque, d'amener le plus possible d'eau de pluie à cet endroit"
Minon. La biodynamie crâne de chat, c'est pas son truc.



Puis, plus loin, on apprend que pour être au maximum de son efficacité, il faut que le crâne ait :

"[traversé] si possible l'automne et l'hiver".






Alors :

"Avec cette substance, nous ajoutons à nos masses d'engrais ce qui leur conférera réellement les forces nécessaire pour combattre, pour arrêter les maladies nuisibles des plantes de façon prophylactique"


La même personne évoque la P502 : de l'Achillée millefeuilles qui prend tout son pouvoir après un temps de passage suffisant dans du mésentère de vache.

C'est moche et ça doit atrocement puer.
De mon point de vue c'est un truc de psychopathes.


Mais, selon Steiner dans sa 5ème conférence :

"Et lorsqu'on s'est familiarisé avec l'action de l'achillée dans l'organisme animal et dans l'organisme humain, lorsqu'on sait comment cette achillée, quand son action est conduite de façon juste dans le biologique, peut effectivement porter là le remède à tout ce qui est dû à une faiblesse du corps astral, alors on peut continuer à suivre cette action, dans sa qualité achillée, dans tout le processus naturel de la croissance des plantes."

Vient aussi un autre facteur de jolis vins (qui entrent d'ailleurs très régulièrement dans ma cave).
A son tour il entre dans la danse, et avec un classique.

Un truc basique.
L'un des fondements de la biodynamie. Une préparation indispensable, dans cette pharmacopée.
La P501, ou silice de corne.

Tadââââââm ...

Passons sur les vertus réelles ou supposées de la silice pour en venir d'entrée au climax du truc : les cristaux de silice sont insolubles dans l'eau.
Ceci fut signalé à Georg Meissner lors de la journée biod qu'il anima cette année, au Centre d’œnologie de Toulouse. Il répondit alors que oui la silice est insoluble et que oui aussi elle reste bien collée au fond du pulvé.
Mais rien de grave à cet indiscutable état de fait : avec la dynamisation (voir photo ci dessus) la silice informe l'eau qui, à son tour, informe la plante. Cette dernière en tirera ensuite les conséquences utiles à l'adaptation de ses réactions aux circonstances agronomiques.

Voilà :  c'est la mémoire de l'eau.

Et, d'ailleurs, elle est vachement balaise l'eau : elle omet fort à propos de se souvenir des générations de dinosaures qui ont pissé dedans, ainsi que, par exemple, des bancs de poissons qui y baisent quotidiennement.
Non : l'eau, elle ne retient que l'info apportée par la silice.
Balaise, la mémoire sélective du monoxyde de dihydrogène !


Mais je vais faire court en ne mentionnant que les données élémentaires (1ère conférence en date du 7 juin 1924) :

"Voyez-vous, tout ce qui vit dans le siliceux possède des forces qui ne proviennent pas de la Terre, mais de ce que l'on appelle les planètes lointaines, extérieures au Soleil : Mars, Jupiter, Saturne. Ce qui émane de ces planètes agit sur la vie végétale en passant par le siliceux et ce qui lui est apparenté."
Souvent on m'oppose le désopilant "la biodynamie c'est quantique"


Bon, bien sûr, les vignerons peuvent bien faire ce qu'ils veulent : après tout, du moment qu'ils sortent de jolis vins et se sentent à l'aise dans ce qu'ils font et revendiquent ... même si Mars ou Saturne et leurs liens avec la silice, comment te dire ...

Là où ça devient vraiment fatigant c'est quand on nous explique que le salut vient de là, et là seulement. Et que l'on ajoute, sur un fond de prosélytisme délirant, que seuls ces vins confinent au génie. Oui : quand ce cosmique de répétition nous est assené comme une vérité révélée.


Tiens, par exemple sur France Inter à l'occasion d'une récente diffusion de "On va déguster" ... qui aurait sans doute mérité d'être rebaptisée "On va enfumer".
Le truc peut s'écouter en suivant ce lien.
D'entrée ça attaque à fond les ballons avec cette déclaration d'un vigneron :

"La biodynamie, il faut avoir à sa disposition le calendrier cosmique. Par exemple, dans la biodynamie, c'est basé sur le système des quatre éléments. Donc avez le fruit, la feuille, la fleur ou la racine. Et pour sublimer ou pour accompagner le côté fruité du vin, et bien il est fortement conseillé de ne mettre le vin en bouteilles que les jours fruit !"
Ben tiens : intervention en jour fruit, donc vin plus fruité. Ça coule de source.
Enfin d'étoiles.
Car attends : c'est quoi déjà un jour fruit ? (ou racine, ou feuille, ou fleur).

Inégalable référence ...
Un jour racine est un jour au cours duquel la Lune est en Taureau, Vierge ou Capricorne.
En revanche, lorsque la Lune est dans un signe de feu (donc en Bélier, Lion ou Sagittaire) on est en jour fruit.


Voilà ce que l'on nous dit : dans leur recherche d'explication du Monde, les astrologues babyloniens lèvent les yeux au ciel, le découpent en 12 parties et associent chacune d'elles au bestiaire qu'ils dessinent sur ce secteur céleste.

Ce bestiaire a sa symbolique et c'est ce bestiaire et cette symbolique qui définissent ce que nous sommes ... et, pour les biodynamistes, le goût qu'aura le vin selon quand nous le mettons en bouteille ou quand nous le buvons.
Sérieux ?
Ouais, sérieux.



A Ax les Thermes
Bon je ne repartirai pas davantage dans mes habituelles réserve tant sur ce qui fonde la biodynamie que sur les applications pratiques qui s'ensuivent.

Autant éviter la redondance en entrant dans cette ronde des marmottes.
N'en déplaise à Torquemada, que ça fait généralement beaucoup rire.





Juste finir avec cette citation de l'un des invités de cet édifiant "On va déguster", oui : Antoine Gerbelle.
Dans une récente interview à Rue 89 il se permet ceci :

"Je trouve que les bons vins, les grands vins, sont faits en biodynamie. J’ai encore bu récemment un rouge qui m’a plu à l’aveugle. Il était organique, il n’était pas mort, il avait un côté vivant. Ceux qui ne voient pas ça, soit ils se mentent soit ils ne bossent pas assez leurs vins."

Je la refais au ralenti :

"Il n'était pas mort, il avait un côté vivant. Ceux qui ne voient pas ça, soit ils se mentent soit ils ne bossent pas assez leurs vins".
C'te bande de grosse faignasses.
Voilà : en biodynamie le vin a un côté vivant qui lui est propre.
Tu le nie ? t'es un menteur fainéant !
Moi, en plus de le nier je me marre.
C'est que je suis un social traitre, et ça sent le roussi pour ma pomme (puisse ma marmotte en réchapper) :



Moyen-Age. Chasse aux sorcières.


 
Quelques remarques :
- Les textes de Steiner sont issus de son : "Le cours aux agriculteurs", traduit par Ilse Démarest-Oelscläger et paru en 2013 aux Editions Novalis.
- Les photos de préparats biodynamiques ne sont pas de moi. Je les ai piquées à telle ou telle de mes relations, des gens que j'apprécie mais que je ne cite pas car je ne souhaite pas faire de name dropping et autres activités de ce genre.
Ces photos sont sur Facebook, où elles sont visibles de tous. Je m'en sers donc librement. Je n'y mets pas de nom car, pour moi, il ne s'agit pas de critiquer ou se moquer de tel ou tel mais d'illustrer mon propos. Il va de soi que, si les auteurs souhaitent être identifiés, il leur suffira de me le dire et j'ajouterai bien évidemment leurs noms dans les meilleurs délais.





Commentaires